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Grotte de Bruniquel

Michel Soulier

« Toute l’histoire de la Grotte de Bruniquel »

Conférence du 21 mars 2018. Médiathèque de Castelsarrasin. 18 h

Cette histoire débute en février 1990 quand Bruno Kowalczewski, jeune spéléologue membre de la Société Spéléo-Archéologique de Caussade (SSAC), pousse devant lui les derniers blocs de roche qui lui ouvrent un passage vers l’inconnu. Cela fait déjà 2 ans environ qu’il a entrepris, sur les indications de son père, la désobstruction d’un terrier de sauvagine sur un coteau des gorges de l’Aveyron, pratiquement à la confluence avec la vallée de la Vère, au pied du village de Bruniquel.

Après 20 m de passages étroits, plus ou moins indurés, le voici face au noir, au grand noir !

Il va s’avancer un peu dans cette nouvelle cavité, avec une appréhension bien légitime mais aussi avec cette joie interne qu’il ne peut partager avec personne ce jour.

C’est le lendemain, le 25 février, qu’une équipe composée de 4 membres du club va l’accompagner dans une visite plus approfondie de cette découverte.

Outre les bauges d’ours très visibles et présentes dès les premiers mètres, ils repèrent, à près de 350 m de l’entrée un mur, une sorte de barrage, constitué d’une grande quantité de concrétions brisées et organisées sur le sol en une forme vaguement ovale. À proximité, une autre forme plus petite et quelques amoncellements de concrétions complètent un tableau qui va fortement les intriguer.

Très rapidement, ils en informent François Rouzaud, archéologue au Service Régional de l’Archéologie (SRA) de Toulouse.

Sur ses conseils, ils mettent la cavité en « sécurité » en attendant sa visite.

Un mois plus tard, après une visite détaillée de la grotte, F. Rouzaud va confirmer la découverte des spéléologues que l’on ne peut attribuer qu’à une intervention humaine. Encore faudra-t-il le démonter. C’est pour cela que deux périodes de recherches seront programmées en 1992 et 1993.

En deux fois une semaine, une cartographie des structures et de la salle environnante est réalisée. On voit ainsi que les structures, parfaitement organisées, trônent au centre d’une salle où les concrétions périphériques sont plus naturellement dispersées. Ce travail a aussi permis d’identifier quelques « foyers » disposés sur les structures ce qui impose, de fait, la présence de l’homme en ces lieux. Dans le « foyer » principal, un os d’ours calciné sera prélevé en 1993 pour une datation 14C. Parallèlement, une détermination des vestiges paléontologiques de surface est effectuée sur les 60 premiers mètres de la cavité.

Ce n’est qu’en 1995 que le laboratoire nous communique la date : au moins 47 600 ans ! C’est extraordinaire ! Cette nouvelle fera un tour du monde médiatique, avec les moyens de l’époque.

Puis, pour des raisons liées à la difficulté d’étude de ce site, nous décidons d’interrompre les recherches en attente d’évolution de techniques non invasives. La disparition prématurée de F. Rouzaud, en 1999, nous laissera sans pilote à bord dans cette grande aventure.

Ce n’est qu’en 2012, après une visite de l’exposition consacrée à la grotte, en place dans une salle des châteaux de Bruniquel, et une visite du site souterrain que Sophie Verheyden, géologue et spéléologue Belge, lèvera le doigt pour reprendre la datation. Elle veut « savoir ». En effet, la date obtenue en 1995 ne la satisfait pas. La méthode de datation Uranium/Thorium, qu’elle maîtrise et réalisable sur les concrétions constituant les structures, devrait permettre d’obtenir d’une date fiable, bien fixée dans le temps.

Pour ce travail, le porteur de projet Français sera Jacques Jaubert, préhistorien, assisté de Sophie Verheyden. Michel Soulier, membre de la SSAC et Dominique Genty, spécialiste des paléoclimats complèteront l’équipe de base « Bruniquel ».

Et, en 2014, c’est la reprise des recherches. Les résultats ne se feront pas attendre. Les carottages, judicieusement positionnées vont parler. Dès septembre, nous obtenons une date qui nous paraît tellement incroyable que nous reviendrons sur le site pour de nouveaux prélèvements. Les résultats obtenus confirment les premiers. Nous prenons la décision commune de ne rien annoncer immédiatement car l’écriture d’un article pour la revue scientifique internationale de premier rang « Nature » réclame le secret absolu.

Nos recherches vont se poursuivre avec, notamment, une photogrammétrie 3D des structures et, pour chacune des 440 concrétions constituant les structures, une « fiche d’identité » la plus complète possible. Ces observations nous permettront de constater « l’intelligence » apportée à l’élaboration des structures avec l’emploi de cales et de contreforts.

En 2015, le SRA met en place une instrumentation (mesure de température, CO2, radon) et commande la topographie globale et de précision de la cavité afin de préparer le dossier d’instruction d’un classement au titre des Monuments Historiques. Nos trois scientifiques peaufinent l’écriture du futur article qui demande une attention particulière pour chaque mot et des justificatifs inattaquables pour chacune des affirmations produites. Le travail souterrain se poursuit avec une cartographie des points de chauffe des structures par prospection magnétique, un début d’étude des deux « foyers » principaux, une recherche en ichnologie pour les empreintes animales et humaines et une reprise de l’étude de la faune dans la zone d’entrée.

  2016 sera la grande année de la Grotte de Bruniquel. L’article est pratiquement sous presse !

Nous recevons l’autorisation d’annonce de datation pour le 25 mai à 19 h.

Localement, celle-ci sera faite dans la salle d’apparat des châteaux de Bruniquel à cette date et à cet horaire : -176 500 ans ! Une date qui va faire la « une » des journaux du monde entier.  Nous repoussons ainsi de quelques 140 000 ans la plus ancienne présence sous terre (en milieu souterrain profond) de l’homme préhistorique. Et celui-ci n’est plus l’homme moderne comme celui de la grotte Chauvet mais l’homme de Néandertal ancien.

La Grotte de Bruniquel devient un site de référence unique au Monde.

2016 sera aussi consacrée à la mise en place d’équipements de progression permettant la conservation de l’intégrité du site.

  2017, l’étude du site se poursuit. Nous étendons nos recherches systématiques au-delà des structures, dans la salle du même nom. Concrétions cassées, arrachées, bousculées, traces de « racines » et autres éléments, tous géo référencés, vont entrer dans des bases de données informatiques pour être « manipulés » à distance, sans risque de dégradation.

L’étude des deux « foyers » principaux se poursuit in situ parallèlement à des expérimentations de laboratoires.

Une semaine spécifique sera consacrée à des relevés scanner 3D allant jusqu’à la précision infra millimétrique et à la couverture photographique en haute définition (8000 clichés) sur 150 mètres de galerie, depuis la salle des structures et en revenant vers l’entrée.

Ces travaux ont un but triple : conserver la « mémoire du site » au plus près de l’état de découverte, faciliter un travail de laboratoire non invasif et, peut-être un jour prochain, proposer à chacun de nous la possibilité de visiter virtuellement la cavité dans un espace de restitution voisin du site naturel.

Et, ce n’est pas terminé … une campagne 2018 est annoncée !

 

 

 

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