Conférence le mercredi 18 octobre 2023 à 18h, salle Marcelle Duba (Médiathèque) par Philippe BON.
Devant un public nombreux très intéressé par l’évocation de la vie peu connue de Clara Malraux , Philippe Bon, membre de l’Académie des Sciences, des Lettres et des Arts de Montauban s’est attaché à réhabiliter Clara Malraux en tant que femme d’action et écrivaine qui a vécu dans l’ombre d’André Malraux.
Clara Malraux est née en 1897 dans une famille de la bourgeoisie juive aisée d’origine allemande. Elle devra faire face toute sa vie à ces contradictions d’être française mais d’origine juive ce qui compliquera son paysage intérieur.
En 1920 elle rencontre André Malraux qu’elle décrit alors comme un’’ être intense, insaisissable, d’une étrange beauté, avec le cerveau d’un philosophe de 60 ans’’ ! Ils se marient quelques semaines plus tard en se promettant l’un l’autre une grande indépendance et de pouvoir divorcer à leur guise. Pourtant c’est un lien de complicité et de passion qui les unira une grande partie de leur vie.
Ils vivront intensément la grande effervescence artistique et intellectuelle des années folles. Elle se lance dans toutes les aventures avec lui. L’initiatrice du voyage en Indochine et du pillage des temples d’Angkor, c’est elle. Mais c’est elle aussi qui sauve Malraux de la prison. Au moment de la guerre d’Espagne elle s’engage du côté de la jeune République espagnole et milite dans un groupe révolutionnaire. Malraux de son côté s’engage au sein de l’escadrille ‘’España’’.
Quand éclate la guerre 1939-1945, Clara trouve refuge en zone libre, notamment à Montauban dans la « Villa des Pâquerettes » en raison de sa condition de juive et son engagement dans la Résistance au sein du Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre et des Déportés (MRPGD). Elle rencontre un nouvel amour, Gérard Krazat, un Allemand, antifasciste et communiste. Elle s’engage avec lui dans la Résistance. Arrêté par la Gestapo, Krazat meurt et Clara Malraux passe dans la clandestinité et très tôt dans les réseaux de résistance, ce qui lui permettra de parler — non sans ironie du « maquisard Malraux », militant plus tardif qu’elle et qui, un temps prisonnier, a rejoint les maquis de Corrèze. Elle continuera de militer de plein cœur du côté des faibles, des opprimés, de lutter contre les injustices faites aux femmes, faites aux peuples opprimés et rêve de fraternité universelle. C’est sans surprise qu’on la verra, à plus de soixante-dix ans, militer lors de la révolte de 1968 auprès des étudiants de Nanterre !
Femme libre, vivant ses amours à sa guise, elle supporte mal que son illustre compagnon lui rende la pareille. Elle souffre de l’abandon mais ne se résigne pas, c’est une battante. Après son divorce en 1947, elle se lie avec l’écrivain Jean Duvigneau et participe à la revue littéraire – Contemporains– Faute de partager tous ses engagements, elle se dresse contre les idées de Malraux qui s’étonnait devant son besoin de s’affirmer par des actes qui fussent les siens, par l’écriture en particulier. Elle entreprend l’écriture de nombreux ouvrages où elle partage ses souvenirs et explique ses engagements. ‘’Le Livre des Comptes’’, ‘’Le Bruit de nos Pas’’…
Le conférencier a évoqué enfin le souvenir du séjour de Clara et de sa fille Florence à Montauban par la présence de plaques souvenir au Lycée Michelet où Florence a été élève et dans l’enceinte de la clinique Boyé à proximité de la « villa des Pâquerettes » où elles ont séjourné.
Destin magnifique et cruel. Femme libre et moderne, elle fut de tous les combats de son époque. ‘’Elle tenta d’exister à l’ombre d’un grand homme. Non par lui mais avec lui. Et même sans lui (Dominique Bona –‘’Nous étions deux’’).